OSI PALEOZOIC

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Théorie de la Terre boule de neige : causes et impacts

mercredi 19 février 2020

Abstract
During the Proterozoic, 3rd eon of the Precambrian, the first multicellular organisms and events such as the great oxidation ( 2.3 Ga) appeared. These events took place after the late bombardment of the Hadean ( 4.9-3.1 Ga) and the first chemofossils of the Archean ( 2.7 Ga). However, this period was marked by major glacial events called « Snowball Earth » during which the Earth was probably frozen at the equator. The traces of these glaciations such as the tillites, consolidated glacial moraines, made it possible to date these so-called Huronian (Paleoproterozoic ; 2.4-2.1 Ga) and Cryogenian (Neoproterozoic ; 720-635 Ma) glaciations, the last having taken place in 2 stages, Sturtian glaciations ( 720-660 Ma) and Marinoan ( 650-635 Ma).
The causes mentioned are diverse and range from too intense volcanic activity to an action of the cosmic rays of the milky way, as well as the creation / dislocation of supercontinents. These glacial events would not be simply anecdotal from a past climate but would seem to be able to reproduce and have a certain action on the evolution of life ; the Cambrian explosion would be linked to these events. Thus, we can wonder how this event took place and the consequences would be if this happened again in the future.

1. Observations

Pour réussir à caractériser ce qui peut être possiblement ou non une Terre boule de neige, il faut d’abord acquérir des données de terrain. Ceci n’est pas toujours facile étant donné que ces évènements sont datés d’au moins 635 Ma. Les affleurements ayant enregistré ces évènements sont donc cherchés dans des cratons, parties anciennes et stables de la lithosphère datées d’au moins 500 Ma. Il existe différents affleurements de ce type à travers le monde, mais tous ne présentent pas le faciès recherché ou un enregistrement partiel de celui-ci. Dans un premier temps, nous allons nous intéresser à ce qui caractérise d’abord une Terre boule de neige, sans se soucier de la série de l’évènement, Protérozoïque ou Néoprotérozoïque.
Ainsi, pour savoir si l’affleurement observé est bien lié à une glaciation, il faut observer la succession sédimentaire. Un dépôt est susceptible d’avoir été créé par une glaciation de type Terre boule de neige, lorsqu’il se trouve dans un craton présentant un faciès glaciaire avec des Diamictites, roches sédimentaires avec un granoclassement hétérogène (typique de l’écoulement de glace), avec des clastes de carbonates abondants et des argiles laminées en strates avec des dropstones. On peut ajouter à cela la présence non obligatoire de formation ferreuse. Ces formations ferreuses sont les mêmes pour le Paléoprotérozoïque et le Néoprotérozoïque. (Corsetti, Olcott, et Bakermans 2006). Elles peuvent également contenir des clastes volcaniques avec des dykes (intrusion) et des « cap carbonates », couches de carbonates avec une texture différente des carbonates usuels (il y aurait un lien avec un évènement glaciaire), comme en Amérique du Nord dans le craton de Superior par exemple (Hoffman 2013). Il est également possible de trouver des terrains de manganèse dans des BIFs (banded iron formations), pouvant être liés à une glaciation, comme en Afrique du Sud dans la formation d’Ongeluk, celle-ci présentant des diamictites et des pillow lavas (Kirschvink et al. 2000).
La présence de fossiles avant et après ces évènements, montre que ceux-ci ont pu survivre dans des environnements extrêmes et peu viables, lorsqu’ils étaient encore vivants. Cependant, cet aspect de frein ou de combustible à l’évolution de la vie sera développé ultérieurement.
Maintenant que les éléments permettant d’identifier une possible « Snowball Earth » sur le terrain ont été décrits, une interprétation des données recueillies, tels que le δ13C des « cap carbonates » ou le Δ33S est nécessaire.

2. Interprétations

2.1 Terre boule de neige du Paléoprotérozoïque : interprétation de la grande oxydation

Il est communément admis que la grande oxydation, qui a eu lieu au Paléoprotérozoïque lorsque les puits à oxygène se sont retrouvés pleins, a conduit à une glaciation jusqu’aux basses latitudes. Cependant, le problème de la glaciation Makganyenne s’est alors posé. En effet, celle-ci serait la « Snowball Earth » la plus sévère, mais aurait eu lieu environ 100-200 Ma après la grande oxydation. Il existe de nombreux sites tels que le Superior craton aux Etats-Unis d’Amérique du Nord, portant les traces de cette oxydation. Or les traces de la grande oxydation dans le craton de Kaapval seraient datées de 50-100 Ma plus jeunes que celles du Superior craton. Il pourrait s’agir d’une confusion dans la glaciation concernée, en effet, sur les 3 glaciations discrètes observées seulement 1 ou 2 sont souvent présentes, ainsi, des erreurs de mise en relation sont possibles.
L’augmentation irréversible du taux d’O2 dans l’atmosphère serait indiquée par les MIF-S (mass-independant fractionation of S-isotopes) dans des sulfides présents dans les sédiments ou dans les sulfates des minéraux (Hoffman 2013). C’est en ce sens qu’Hoffman a utilisé le Δ33S pour essayer de corréler les différents sites, avec l’aide supplémentaire de datations radiochronologiques. En fonction des résultats certains sites ont été attribués à la 2nde glaciation, probablement causée par la grande oxydation, ou au contraire ont été attribué à un autre événement glaciaire.
Ainsi, pour les USA, le Superior craton serait le même que le Wyoming craton, bien qu’un évènement tectonique les ait séparés. Ce craton serait lié à la glaciation de Bruce avec une augmentation du taux d’O2 à la fin de celle-ci correspondant à la grande oxydation. L’Hearne craton , dernier craton nord américain présenté serait plus vieux, mais totalement inconnu comparativement aux 2 précédents, donc non lié à la 2nde glaciation.
Pour l’Afrique du Sud, le Kaapval craton serait lié au Postmaburg group et à la 2nde glaciation, donc à la grande oxydation. Pour ce qui est du Lower Pretoria group, celui-ci présente beaucoup de non-conformités, mais aussi 2 horizons glaciaires liés probablement à la formation de Duitschland, soit à la 1re glaciation du Paléoprotérozoïc.
Pour l’Australie, on peut noter une large Δ33S anomalie positive mettant en lien le Pilbara craton avec la 2nde glaciation.
Pour l’Europe arctique, l’identification a été plus compliquée de part la déformation des roches et leur métamorphisme, cependant 2 avancées glaciaires semblent être présentes en Finlande et par datation U/Pb sur des zircons seraient âgées de 2441 +/-1.6 Ma et 2432 +/- 6 Ma, soit la 1re glaciation.
Ainsi, Hoffman a pu interpréter la grande oxydation comme pouvant être définie par les MIF-S et corréler toutes ces données pour obtenir un tableau de corrélation (Hoffman 2013).

2.2 Terre boule de neige du Paléoprotérozoïque : BIF et enrichissement en Mn

La grande oxydation représentée par l’anomalie positive Δ33S n’est pas le seul évènement remarquable du paléoprotérozoïque. On peut aussi noter la présence de BIF (banded iron formation) avec une forte occurence en Mn, étant apparue 2 fois après les glaciations (1 et 2). En effet, une « Snowball Earth » est présente juste avant la formation de Kalahari caractérisée par du manganèse (Afrique du Sud), or pour se faire, une grande quantité d’O2 est nécessaire. Ainsi, les océans n’étaient pas forcément séparés de l’atmosphère. Les dropstones de la formation de Magkanyenne suggèrent aussi une rapide déglaciation après un évènement glaciaire. Cet enrichissement en Mn serait causé par une érosion d’anciennes roches carbonatées. Il est aussi proposé que les bactéries et cyanobactéries en relachant de l’O2 aient accéléré le processus d’oxydation du Mn, processus ne pouvant se réaliser de manière si rapide et spectaculaire seulement dans des conditions similaires à une « Snowball Earth » avec un large amas de poussière sur les glaces (Kirschvink et al. 2000) .
2.3 Terre boule de neige du Néoprotérozoïque : Variations des isotopes du carbones
Le δ13C est un outil communément utilisé pour définir les entrées et sorties en glaciations, lorsque le signal est négatif, il y a glaciation. Ainsi, la présence de « cap carbonates » peut être un bon moyen de connaître les glaciations d’un point de vue isotopique. Différentes périodes glaciaires ont pu être mises en évidence grâce aux anomalies de δ13C. De nos jours, celui-ci se situe aux alentours de 5% PDB, cependant, Corsetti montre que celui-ci pouvait varier de -3% à -6%, voir -10% PDB, lorsqu’une période de « Snowball Earth » voit le jour (Corsetti, Olcott, et Bakermans 2006).

2.4 Terre boule de neige du Néoprotérozoïque : autres isotopes utilisés

Il est à noter que les isotopes cités ci-dessus ne sont pas les seuls utilisés. En effet, le δ34S, bien que rare dans les roches caractérisant la « Snowball Earth » présente des résultats encourageants (Corsetti, Olcott, et Bakermans 2006) et le 87Sr/86Sr est très souvent utilisé et permet de montrer une rapide sortie de glaciation par un apport de nutriments dans l’océan (Maruyama et Santosh 2008). De plus, les « cap carbonates » grâce à tous ces proxys permettent de montrer le passage d’un océan très froid avec une eau à -40°C à un océan chaud avec une eau à +40°C (Maruyama et Santosh 2008).

3. Corrélations globales et modélisations

La grande oxydation a été évoquée comme une des causes d’une des « Snowball Earth » (Hoffman 2013), cependant cet évènement est unique dans l’histoire de la Terre à l’opposé des « Snowball Earth » qui sont multiples. C’est pourquoi différents modèles ont été construits dans le but de comprendre les tenants et aboutissants de ces évènements (Maruyama et Santosh 2008).

3.1 Causes internes à la Terre boule de neige

La première cause interne permet d’expliquer les entrées et sorties en glaciations par l’éclatement/création de supercontinent. Lorsque ceux-ci se séparent, il y a érosion et le CO2 atmosphérique se retrouve piégé dans les sédiments conduisant à une diminution de celui-ci dans l’atmosphère et donc à une entrée en glaciation. A l’inverse, lorsque les continents se regroupent, il y a érosion par surrélévation de la masse, activité volcanique (pluies acides) et collisions entre les continents, le CO2 atmosphérique se retrouve donc également pris au piège et il y a entrée en glaciation. Cette réponse reste incomplète, car elle omet d’expliquer les glaciations ayant lieu entre les créations/dislocations de supercontinents. Le « true polar wander » est un autre évènement pouvant expliquer les différentes « Snowball Earth ». Le noyau terrestre produit un champ magnétique et donc un pôle magnétique, celui-ci peut s’inverser. Cette théorie indique que le pôle aurait pu « tilt » se retrouvant à l’équateur. Ce déplacement aurait perturbé le champ magnétique terrestre et tout le climat, faisant entrer la Terre en Snowball Earth. Cependant, les raisons de ce changement ne sont pas connues et il faut ajouter à cela que le pôle serait revenu à sa position quasi-initiale en moins de 10 Ma, ce qui est d’autant plus invraisemblable (Maruyama et Santosh 2008).

3.2 Causes externes à la Terre boule de neige

D’autres éléments dépassant le système Terre pourraient être imputés à la Terre boule de neige. En effet, la variation du champ magnétique terrestre par rayons cosmiques ou variation interne du manteau peuvent être des causes envisagées. Lorsque celui-ci diminuerait, il verrait l’augmentation des nuages par évaporation due aux rayons cosmiques et donc de l’albédo. Si le champ magnétique terrestre diminue de 50% et que les rayons sont assez forts, l’entrée en glaciation est possible. Si le processus vient du manteau, la diminution de celui-ci pourrait être causé par une chaleur trop importante, après diminution de la température du manteau, le champ retrouverait sa force. La dernière hypothèse concerne un forçage galactique. Il a été prouvé que lorsque la Terre était en « Snowball », beaucoup d’étoiles mourraient en bombardant l’espace de rayons gammas. Or ces bombardements augmenteraient l’évaporation et donc l’albédo pour rentrer en glaciation. Lorsque la Terre se trouverait dans l’un des bras de la voie lactée, il y aurait un bombardement gamma et donc une entrée en glaciation. Cette hypothèse est corroborée par la présence d’un rapport 41K/40K non trouvable naturellement sur Terre. De plus, ce bombardement aurait permis des mutations génétiques et donc l’évolution des organismes, dont l’explosion cambrienne (Maruyama et Santosh 2008).

4. Impacts sur la biodiversité

Il est admis par beaucoup de chercheurs que la théorie de la Terre boule de Neige a eu un impact important sur la biodiversité. Cet impact serait causé, pour certains, par le taux de radiations cosmiques ayant permis des mutations et une lente évolution jusqu’à l’explosion cambrienne de ces mêmes mutations (Maruyama et Santosh 2008). Pour d’autres, cependant, ce serait la disponibilité de Mn et autres minerais ferreux, étant présent en petites quantités dans la nature et donc limitant, qui lors d’une Terre boule de neige seraient significatifs dans le milieu. Cette occurrence créerait les conditions parfaites au développement des organismes et leur évolution, en particulier pour les metalloenzymes. En effet, la disponibilité des ces éléments aurait pu leur permettre d’optimiser leur évolution en fonction de l’environnement. Cette phylogénie semble d’ailleurs avoir été avérée et serait à la base des 3 domaines connus du vivant (Kirschvink et al. 2000).
Pour tenter de solutionner cette question, la réponse biotique des organismes à la « Snowballe Earth » du Néoprotérozoïque a été étudiée. Les fossiles conservés l’ont été dans 2 styles d’environnements différents, les shales et les cherts. Ce qui ressort de ces études est la présence d’éléments autotrophes et hétérotrophes au sein de la chaîne trophique, indiquant une stabilité de celle-ci. De plus, les espèces semblent être présentes avant et après les évènements de « Snowball », ainsi, l’effet serait minime pour la plus ancienne, voir moyenne pour la plus jeune. Le registre fossile rejette aussi l’hypothèse de zones « refuges » ayant permis aux organismes de survivre, comme les zones hydrothermales. Ainsi, il semblerait que la vie soit plus résistante que prévue. Des gisements tels que ceux de Kingston Peak et d’Australie viennent aussi diminuer le rôle qu’aurait pu avoir la « Snowball » sur l’explosion cambrienne, n’ayant pas le soutien du registre fossile. L’étude n’omet cependant pas que la fin d’une ère de glaciation ait pu être une période propice à la diversification, de part des conditions plus favorables, car moins violentes apportant moins de compétitions entre les organismes pour la survie (Corsetti, Olcott, et Bakermans 2006).

5. Conclusions

Au vu des études réunies, il semble que la théorie de la Terre boule de neige puisse difficilement être considérée comme un analogue à un évènement pouvant prendre place de nos jours, bien que certains proxys soient commun avec ceux utilisés pour définir les glaciations modernes. Cependant, il ne faut pas omettre que celle-ci, si belle et bien guidée par des éléments extérieurs tels que les bombardements cosmiques (Maruyama et Santosh 2008), pourrait prendre place à plus ou moins long terme et devenir un analogue moderne. On peut aussi noter que bien que n’étant plus en « Snowball Earth », certaines théories sur la poursuite de la vie durant un refroidissement total ont trouvé leurs échos dans des environnements modernes. Par exemples, les lacs de vallée en Antarctique présentent les mêmes contraintes de survie pour les micro-organsimes s’y trouvant et ils sont donc un moyen de mieux comprendre ce climat passé, grâce à un analogue moderne en région polaire (Corsetti, Olcott, et Bakermans 2006).

6. Articles utilisés
Corsetti, Frank A., Alison N. Olcott, et Corien Bakermans. 2006. « The Biotic Response to Neoproterozoic Snowball Earth ». Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 232 (2) : 114‑30. https://doi.org/10.1016/j.palaeo.20....

Hoffman, Paul F. 2013. « The Great Oxidation and a Siderian Snowball Earth : MIF-S Based Correlation of Paleoproterozoic Glacial Epochs ». Chemical Geology, Special Issue dedicated to H.D. Holland : Evolution of the atmosphere and ocean through time, 362 (décembre) : 143‑56. https://doi.org/10.1016/j.chemgeo.2....

Kirschvink, Joseph L., Eric J. Gaidos, L. Elizabeth Bertani, Nicholas J. Beukes, Jens Gutzmer, Linda N. Maepa, et Rachel E. Steinberger. 2000. « Paleoproterozoic snowball Earth : Extreme climatic and geochemical global change and its biological consequences ». Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 97 (4) : 1400‑1405.

Maruyama, S., et M. Santosh. 2008. « Models on Snowball Earth and Cambrian Explosion : A Synopsis ». Gondwana Research, Snowball Earth to Cambrian Explosion, 14 (1) : 22‑32. https://doi.org/10.1016/j.gr.2008.01.004.